Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ
Jean-Baptiste ALLAIN-DUPRÉ (1739-1822), compositeur méconnu
par Philippe Allain-Dupré (son arrière-arrière-arrière petit-fils)

Documents sur la vie de Jean-Baptiste Allain-Dupré

Les Artistes tourangeaux, G. Giraudet, Tours, 1885, p. 140.

DUPRE (Jean-Baptiste Allain), artiste musicien, compositeur, organiste de la collégiale de Saint-Martin de Tours, (1770-1789).
Dans sa notice historique sur les orgues anciennes de la ville de Tours, Boyer nous a transmis de curieux renseignements sur cet artiste, dont le talent rivalisait, disait-il, avec celui des premiers organistes de la capitale.
A une science profonde de l'harmonie, Allain Dupré joignait un véritable talent d'exécution.
"Le chapitre de Saint-Martin, dit Boyer possédait des revenus considérables, et faisait un digne emploi de ses richesses en attachant à son église, des sujets distingués pour composer une excellente musique". C'est ainsi que le célèbre Lesueur, qui n'avait guère que vingt ans, y fut appelé de 1782 à 1784, pour la diriger en qualité de maître de chapelle. Dupré rendit à ce jeune compositeur la justice qu'il méritait, et de temps à autre lui faisait l'honneur de reprendre le sujet de ses fugues, qu'il traitait sur l'orgue avec un tel talent, que Boyer déclare avoir entendu dire à Lesueur bien longtemps après, à l'époque où il dirigeait le conservatoire de Paris, que ses fugues remaniées par Dupré lui faisaient venir la chair de poule.
En 1790, les chanoines de Saint-Martin révoquèrent leur organiste, qui s'était permis de jouer des airs nationaux pendant l'office du dimanche. Dupré mit à profit sa liberté et se lança dans le grand mouvement révolutionnaire de 1792. Il occupa des places dans les diverses commissions politiques de surveillance, où il y acquit une si grande notoriété, que son nom figura bientôt dans la liste des terroristes de notre ville, en compagnie d'un ancien prêtre oratorien.
Notre bibliothèque municipale possède au nombre de ses manuscrits un curieux opéra comique, "ou divertissement héroïque," en deux actes, composé en 1771 par cet artiste. Il est intitulé : Appollon et Cyrène; les paroles sont de M. Brulé, trésorier de France à Tours.


CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE.: NOTICE HISTORIQUE SUR LES ORGUES EXISTANT DANS LES ÉGLISES DE TOURS AVANT 1789 ET SUR LES ORGANISTES QUI LES DESSERVAIENT, Par Michel BOYER (Tours, 1848) p.439

L'antique église de Saint-Martin, collégiale de Tours, possédait un des plus excellents orgues de France. C'était un grand trente-deux pieds à cinq claviers, ayant une soixantaine de jeux. Le style du buffet était de la fin de Louis XIV, et d'une majestueuse simplicité. Il fut réparé, quelques années avant la révolution, par le célèbre facteur Cliquot, auteur du superbe orgue de Saint-Sulpice de Paris, qui l'enrichit d'un basson et d'un hautbois délicieux. Cette réparation coûta 20,000 francs, et sa réception fut un événement qui remplit la vaste nef d'auditeurs ravis des effets admirablement variés de ce magnifique instrument.

Dupré, qui le touchait, était alors dans la maturité de son talent, qui rivalisait avec celui des premiers organistes de la capitale. Il n'avait pas les formes élégantes et la brillante exécution de Guichard, organiste de la cathédrale, mais il possédait une science profonde de l'harmonie. Quand il voulait être chantant, ses idées étaient parfois communes, mais il les rendait en grand maître. Son jeu toujours net, égal, d'un aplomb, d'une mesure invariables, était le plus beau modèle que l'on pût se proposer d'imiter. Aussi les vêpres de cette église se disant à quatre heures, après celles de la cathédrale, j'avais le temps d'y courir encore, pour y recueillir de nouveaux motifs d'un style différent, qui fournissaient à mes études de la semaine de la matière pour tous les morceaux que j'avais à jouer le dimanche après les avoir écrits et travaillés sous la direction de mon bon frère (élève de Dupré) qui corrigeait les uns et me faisait réserver les autres pour m'exercer à l'improvisation, dont l'habitude s'acquiert, ainsi, dans le jeune âge, en s'appropriant les idées des meilleurs maîtres, auxquelles on ose mêler les siennes pour en prendre la couleur et tâcher d'en produire de nouvelles, car la nature est inépuisable dans ses enfantements intellectuels, comme dans ses générations indéfinies de tous les êtres.

Le chapitre de Saint-Martin possédait des revenus considérables, et faisait un digne emploi de ses richesses en attachant à son église des sujets distingués pour composer une excellente musique. Le célèbre Lesueur, qui n'avait guère que vingt ans, y fut appelé pour la diriger en qualité de maître de chapelle. Le sévère Dupré rendit à ce jeune compositeur la justice qu'il méritait, et lui faisait l'honneur de reprendre quelquefois le sujet de ses fugues qu'il traitait de telle manière que j'ai entendu Lesueur dire bien longtemps après, lorsqu'il dirigeait le Conservatoire de Paris, que ses fugues remaniées par Dupré lui faisaient venir la chair de poule.


Inventaire National des orgues, Région Centre. " Les orgues d'Indre et Loire " Réalisé par l'A.R.E.S.O. (collaborateur. M. Gotty) édition Comp'act 1997 p.418

L'heureux organiste de Saint-Martin était à cette époque Jean-Baptiste Allain-Dupré . Selon le témoignage d'un vieillard, recueilli par l'abbé Dupuy , il aurait joué, en 1790, le Ça ira au cours d'un office sans qu'on puisse le faire taire, en dépit des coups de sonnette. Les Chanoines le congédient cette même année, ce qui n'avait d'ailleurs plus d'importance pour Dupré : la Révolution était en marche.

Allain-Dupré adhéra pleinement aux événements et, sous la Terreur, il était membre du Comité de surveillance révolutionnaire. On ne voit pas qu'il ait pratiqué l'orgue pendant cette période, bien qu'on fasse appel à lui comme expert, en 1799, à l'orgue de la cathédrale. On a l'impression qu'il s'est effacé derrière son élève Etienne Boyer.

Jean-Baptiste Allain-Dupré a-t-il cherché à sauver l'orgue de Saint-Martin ? Le 24 messidor an II (12 juillet 1794), le district de Tours demande au département comment faire pour conserver le jeu d'orgues qu'il qualifie de " chef d'oeuvre ". Il y a urgence, en effet, car depuis six mois, la basilique est transformée en écurie, il y a des chevaux partout dont beaucoup commencent déjà à crever dans les immondices. Le 28 thermidor an II (15 août 1794), le directoire du district adopte la délibération suivante (Archives départementales, L 589) :